Le monde selon Aristote
Pour Aristote, la terre est un globe immobile au centre du monde, autour duquel gravitent le soleil, les planètes et les étoiles. La terre est un composé de feu, d’air, d’eau et de terre, et chacun de ces éléments subit l’influence du sec et de l’humide, du froid et du chaud.
La terre est une sphère pleine et compacte. Sur sa surface se trouve l’eau, ruisseaux, rivières, fleuves, océan qui transforme en île la partie émergée de la terre : l’œkoumène.
L’eau est entourée par un élément plus léger, l’air, formant une sphère agitée par les vents (provoqués par les exhalaisons sèches de la terre). Puis vient la sphère du feu (où se trouve la lune), le plus léger des éléments.
La partie supérieure de l’univers est l’éther, où règnent les astres. Le globe terrestre a une circonférence de 400 000 stades (double du réel). La terre habitée, de forme allongée, fait presque le tour du globe, ce qui conduit Aristote à critiquer ceux qui, de son temps, encore, dessinent des cartes rondes. (1)
Affirmations péremptoires d’Aristote dans les Les Météorologiques
« Il est ridicule de tracer la carte de la terre comme on le fait de nos jours. On dessine, en effet, la terre habitée comme un cercle, ce qui est impossible aussi bien d’après les faits que d’après le raisonnement.
Car la raison montre que la partie habitée est limitée en largeur alors qu’elle s’étend tout autour de la terre grâce au climat tempéré qui y règne (en effet, la chaleur et le froid ne sont pas excessifs dans le sens de la longueur, mais ils le sont dans le sens de la largeur, en sorte que, si l’étendue de la mer n’y fait nulle part obstacle, on peut faire le tour de la terre entière), et c’est ce que montrent les faits à l’occasion de voyages par mer et par terre : la zone habitée est beaucoup plus longue que large.
En effet, la ligne qui va des colonnes d’Hercule à l’Inde est plus longue dans le rapport de cinq à trois que celle qui s’étend de l’Éthiopie au Palus Méotide et aux régions extrêmes de la Scythie, si l’on fait le compte des voyages tant maritimes que terrestres, dans la mesure où les distances qu’on indique peuvent être considérées comme exactes.
Cependant, nous connaissons, en latitude, la terre habitée jusqu’aux limites où elle cesse de l’être. D’un côté il n’y a plus d’habitants à cause du froid, de l’autre, en raison de la chaleur.
Quant aux zones au-delà de l’Inde, et en dehors des Colonnes d’Hercule, elles ne semblent pas, à cause de la mer, se rejoindre de façon à former, par une suite continue, un ensemble de terres habitées.
Mais puisqu’il doit nécessairement exister une région qui soit par rapport à l’autre pôle dans la même situation que celle que nous habitons par rapport au pôle qui se trouve au-dessus de nous, il est clair que cette région présentera des analogies avec la nôtre pour le régime des vents comme pour le reste... » (2)
Une vision du monde antérieure à l’expédition d’Alexandre
Détroit de Gibraltar :
les Colonnes d’Hercule des Anciens
Ce texte d’Aristote est important à plus d’un titre. Il témoigne de l’existence d’une cartographie (anonyme) qui apparaît comme dépassée. Hérodote se moquait déjà des cartes rondes. Celles-ci, depuis le Ve siècle (Démocrite) et avec Eudoxe de Cnide, ont été remplacées par des cartes oblongues qui tiennent mieux compte de la forme réelle de la terre habitée, constituant une zone de la terre sphérique. Mais des cartes rondes continuent à circuler, découlant en ligne droite des schémas d’Anaximandre et d’Hécatée.
Aristote affirme aussi nettement l’insularité de la terre habitée, entourée par la mer. On trouve réunies les conditions qui vont conduire Christophe Colomb à essayer de rejoindre le rivage de l’Inde en traversant l’Atlantique.
Car nous sommes désormais dans un monde sphérique, et la géométrie spéculative qui organisait les cartes rondes se trouve à présent projetée, sans qu’Aristote s’en rende vraiment compte, sur le plan du globe terrestre.
Postuler l’existence possible d’un monde symétrique au nôtre, dans l’hémisphère sud, est-ce en soi une opération si différente du raisonnement hérodotéen, qui localisait les sources du Nil en analogie aux sources de l’Istros ?
La terre habitée se voit attribuer une forme vaguement quadrangulaire : des Colonnes d’Hercule à l’Inde pour la longueur et de l’Éthiopie au lac Méotide pour la largeur. Les dimensions de l’œkoumène peuvent s’exprimer par un rapport mathématique : la largeur équivaut aux trois cinquièmes de la longueur.
On date généralement Les Météorologiques des toutes premières années du Lycée, c’est-à-dire des environs de 334 av. J.-C. ; or, c’est précisément l’année où Alexandre commence à exécuter son vaste projet d’expédition contre l’Empire perse. Nous avons donc ici une vision du monde précédant l’expédition en Extrême-Orient, qui devait sensiblement modifier la perception de l’ensemble du globe. » (1)
Aristote, interprété par Anthony Hopkins dans le film Alexandre d’Oliver Stone
(1) Christian Jacob - Géographie et ethnographie en Grèce ancienne
(2) Aristote - Les Météorologiques
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